Paris est une enquête
Les romans du prix Nobel sont pleins de noms de rue, de lieux, de stations de métros, d'hôtels.
Suivez le guide.
Tentons cette expérience : reprendre un à un les romans de Patrick Modiano, les lire, s’arrêter sur chaque nom et numéro de rue, les consigner sur un carnet.
Et voir de là, comme un carbone, la trajectoire parisienne de Modiano se dessiner, et même se diviser en deux rives : entre les romans qui prennent racine dans un quartier, l’explorent jusque dans ses recoins perdus - là un hôtel, là un garage, là un café, là un cinéma, là un bureau de police. Et ceux qui au contraire, tentent la traversée – à pied et de nuit, de préférence – jusqu’à ce que ce passage d’une rive à l’autre devienne faille temporelle. Entre les deux, une poignée de romans qui font la ronde autour d’un Paris menaçant ou n’abordent la capitale que par ses grands boulevards. De boulevard en square, d’hôtels en garage, chaque Modiano tend un miroir au lecteur qui ne peut pas s’empêcher de plonger dans ces rues, y trouver des échos à ses propres parcours, des correspondances souterraines avec son cheminement intime dans Paris.
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" Le Paris où j'ai vécu et que j'arpente dans mes livres n'existe plus, déclare Modiano au Nouvel Observateur en 2007. Je n'écris que pour le retrouver. Ce n'est pas de la nostalgie, je ne regrette pas du
tout ce qui était avant. C'est simplement que j'ai fait de Paris ma ville intérieure, une cité onirique, intemporelle où les époques se superposent... "
15, quai de Conti 75006
Patrick Modiano y rappelle quelques souvenirs liés à l’appartement où il vécut enfant.
"À la fin d’une journée de juin 1942 par un crépuscule aussi doux que celui d’aujourd’hui un vélo-taxi s’arrête en bas dans le renfoncement du quai Conti qui sépare la Monnaie de l’Institut. Une jeune fille descends du vélo-Taxi c’est ma mère. elle vient d’arriver à Paris par le train de Belgique."
-Livret de famille-
L’école primaire
2, rue du Pont de Lodi
Patrick Modiano et son frère Rudy fréquentent cette école communale de 1953 à 1956.
"C’était une école communale traditionnelle avec des instituteurs comme dans le grand Meaulnes. De l’autre côté de la rue, Picasso avait son atelier. Nous le rencontrions parfois à la Boutique Verte, ce magasin où il prenait le journal et où nous achetions nos Carambars."
Le pont des Arts
Face à l'appartement, le pont des Arts permet de passer en quelques enjambées de la rive gauche à la rive droite. Modiano franchira très tôt cette frontière symbolique pour rejoindre sa mère qui joue au théâtre Fontaine. Et pour découvrir de nouveaux quartiers.
"En passant sur la rive droite, j’avais le sentiment de pénétrer dans un espace de liberté mais aussi d’aventure inquiétante. C’est lié aux souvenirs très précis d’un commissariat de police, qui était installé dans la cour carrée du Louvre, juste avant la rue de Rivoli. Il symbolise pour moi une sorte de poste de douane. On arrivait sur la rive gauche par le très provincial pont des Arts, ce qui était plutôt charmant. En revanche, Je ne pouvais accéder sur la rive droite, du moins dans mon imagination d'enfant de 14 ans qui se croyait toujours en infraction, qu'en franchissant cette douane sombre et menaçante gardée par des policiers en képi..."
Domicile de Robert Desnos
19 rue Mazarine
"De 1962 à 1964, je suis passé chaque matin, sur le chemin du lycée, devant le 19 rue Mazarine là où je savais qu’il avait habité et qu’il avait été arrêté. Et chaque fois je pensais à lui"
(le Monde du 4 juin 2015)
Patrick Modiano révèle avoir, à son insu, emprunté le titre de son premier roman à Robert Desnos, poète qu’il a toujours admiré. Il ignorait que "La place de l’Étoile" était le nom d’une pièce de théâtre, peu connue, écrit par Desnos en 1920. j'étais défait, se souvient-il, j’avais l’impression d’avoir volé ce titre à Desnos, à cet homme qui était mort l’année de ma naissance, dans les conditions qu'on sait, des conditions qui ont été si importantes pour ma génération et qui marquent tellement mon travail."
Chez Fraysse
21, rue de Seine
"Depuis quelques temps Bosmans pensait à certains épisodes de sa jeunesse (… ) Il s’était arrêté à la hauteur de l’ancien café Fraysse et la regardai