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LES BALADES DES GREETERS

Petits coins de paradis et tragédies historiques avec Marie-Claire

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Marie-Claire, notre guide, nous entraîne à travers les ruelles secrètes du vingtième arrondissement. Là où le Paris authentique s'épanouit, loin des artifices des grandes artères. « La Campagne à Paris », ce petit coin de paradis, se dévoile à nos yeux. Une oasis inattendue, un havre de tranquillité dans cette métropole tumultueuse.

Les maisons  arborent leurs jardins luxuriants comme des joyaux préservés. 

C'est ici que Paris devient un conte, que l'urbanité cède la place à l'harmonie, que les charmes cachés éclatent.

"Ici, les pavés respirent", me lance Marie-Claire en me montrant l’herbe qui trouve un chemin dans leur jointure, et les glycines s'épanouissent, défiant l'effervescence urbaine. 

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Dans ces ruelles secrètes de la Campagne à Paris, l'éclectisme architectural tisse un patchwork étonnant, où les maisons racontent chacune leur propre histoire. Ouvrières modestes aux façades simples, mais fières de leur héritage industriel, elles se dressent côte à côte avec des résidences bourgeoises, parées de détails raffinés, témoignant de la diversité des vies qui ont évolué ici au fil des décennies

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C'est là, dans ce coin discret du vingtième arrondissement, que notre ancien chef d'État, François Hollande, a choisi de s’amarrer, à l'abri des regards indiscrets, en compagnie de Julie Gayet. Une adresse, bien évidemment, soigneusement gardée secrète, toutefois, il arrive que le président se dérobe au protocole pour se fondre dans la chaleur urbaine de la Place Edith Piaf. Là, au gré des heures, il s'assoit à une terrasse de café observant la cité qui bat, peut-être surplombée par le doux écho de la voix de la môme Piaf, et il devient simplement François, un homme de la rue.

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Les maisons d'architectes, avec leurs lignes avant-gardistes et leurs audaces créatives, se fondent dans cet ensemble hétéroclite. C'est une mosaïque urbaine, où les différences crées une chronique vivante de Paris, où chaque coin de rue est un fragment d'histoire, chaque brique une mémoire, et chaque fenêtre une ouverture vers un monde intérieur inconnu.

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Les rideaux métalliques de boutiques, gardiennes des rêves commerçants, deviennent les gardiennes des rêves artistiques, un témoignage d'une créativité effervescente

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Fresque murale célébrant les célébrités du quartier.

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Les rideaux métalliques des boutiques, d'habitude figés dans leur rôle de gardiens du sommeil commercial deviennent des toiles vierges pour les poètes clandestins de la rue. Libérant leur imagination sur ces surfaces froides et industrielles, Les bombes aérosol se métamorphosent en baguettes de magie, insufflant la vie et l'âme dans ces écrans d'acier. Chaque coup de pulvérisateur devient un cri de liberté, un manifeste silencieux, une évasion de l'ordinaire.

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Les châteaux d’eau de la rue du Télégraphe.

1919 marque le début d'une transformation silencieuse mais cruciale dans le quartier de Saint-Fargeau. Deux majestueux châteaux d'eau s'élèvent à l'horizon, à proximité du paisible cimetière de Belleville. Une métamorphose dictée par la nécessité de répondre à l'ascension des immeubles qui grimpent toujours plus haut dans le ciel parisien. Pour garantir un approvisionnement en eau continu aux foyers de ce quartier, il était impératif de surélever ces cuves. Un défi, symbole de la persévérance humaine face au progrès urbain. Nous nous trouvons ici au point culminant de Paris, à 128 mètres au-dessus du niveau de la mer.

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Marie-Claire veut absolument nous montrer un monument dans le cimetière de Belleville, nous passons devant la tombe de Léon Gaumont, Un industriel français dont la passion pour le septième art a laissé une empreinte indélébile. C'est grâce à lui que les plus anciens studios de cinéma au monde ont vu le jour, un berceau d'innovations qui a façonné l'histoire du cinéma. Les premiers échos du cinéma parlant ont résonné sous sa houlette dès 1902, suivies des premières expériences de cinéma en couleur en 1912, défiant ainsi les limites de l'imaginaire. Le logo de la marque Gaumont, immuable comme un souvenir, évoque une simple marguerite, un hommage délicat au prénom maternel de Léon.

 

Nous voici donc face à cette stèle sobre, un mémorial marquant le triste événement du massacre de la rue Haxo.  En ces temps tourmentés, la Commune de Paris, dans un acte tragique, a pris la décision de fusiller cinquante otages, un acte perpétré sous la responsabilité du colonel Émile Gois.

Le vendredi 26 mai 1871, vers 15 heures, bouleversés par des exécutions qui avaient ensanglanté les jours précédents, un groupe mené par le colonel Émile Gois se dirige vers la prison de La Roquette. Ils sont une soixantaine de fédérés. Leur sinistre requête : la livraison de cinquante otages. Ces malheureux condamnés, encadrés par les fédérés, sont contraints de marcher jusqu'à la mairie du XXe arrondissement où le maire, Gabriel Ranvier, refuse de collaborer à leur exécution. En cours de route, la foule se densifie, le cri implacable « À mort ! » emplit l'air. Même des membres du Comité central tentent en vain de mettre un terme à ce massacre, qui se déroule dans un chaos indescriptible. Ce jour-là, dix prêtres et religieux, trente-cinq gardes de Paris et gendarmes, ainsi que quatre anciens dénonciateurs du Second Empire, connaissent une fin tragique.

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Arrivés devant cette crèche, Marie-Claire nous fit un tableau terrible des conditions de vie au cœur du XIXe siècle, les femmes travaillaient péniblement, les bébés laissés à la garde de grandes soeurs de 10 ans ou confiés à des nourrices dépassées par le nombre, de nombreux cas d'infanticide... Il était impératif de lutter contre la tragique mortalité infantile. une lueur d'espoir émergea dans le quartier avec la création de la toute première crèche. Ainsi, les crèches naissantes mettaient l'accent sur des soins hygiéniques rigoureux, soutenus par une approche de la puériculture médicalisée.

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Un HLM dans le quartier Saint-Fargeau, 28, rue du télégraphe.

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Villa du Borrégo

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Une maison qui semble abandonnée dans la Villa du Borrégo

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Villa des otages: 85, rue Haxo

La Villa des Otages, autrefois un lieu de divertissement , se teint d'une ombre sinistre le 26 mai 1871, lors d'un sombre chapitre de la Commune. C'est dans ce même décor que cinquante otages, composés de Gardes de Paris, de gendarmes, et de prêtres, furent extraits de leur cachot à la Roquette pour être acheminés ici, au cœur de l'incertitude et de la colère.

Les murmures de la foule avide de vengeance planaient dans l'air, alimentés par la soif de représailles face aux exactions des Versaillais.

Ce fut un triste épisode de l'histoire, une page noircie de l'âme humaine où la Villa des Otages devint le théâtre de la tragédie, rappelant que même les lieux jadis voués à la joie peuvent être engloutis par les tourbillons sombres de l'histoire.

« Le 3 juin, le docteur Levrat, appelé à constater le nombre et la nature des blessures reçues par l’abbé Sabattier, n’a pas compté moins de huit trous de balle. La mâchoire inférieure est brisée par trois coups de feu, une balle a pénétré par l’œil gauche, elle est ressortie en brisant le crâne et projetant la cervelle. Deux coups de feu ont traversé la poitrine, et on voit deux trous de balle au milieu du ventre. Mais, hélas ! les misérables qui l’ont frappé ne se sont pas contentés de ce simple assassinat ; en retirant la victime de la bière pour la transférer dans son dernier cercueil de plomb, on a constaté que les meurtriers s’étaient livrés sur le malheureux prêtre qui avait cessé de vivre à des violences inouïes. Ils l’ont frappé de la crosse des fusils et à coups de talon, et lui ont brisé les membres l’un après l’autre ; il leur semblait que le mort n’avait pas assez souffert, et ils se vengeaient par d’inutiles et horribles mutilations de sa courte agonie. »

 

Église Notre-Dame-des-Otages

En ce mois de mai 1871, en plein cœur de la Semaine sanglante, le destin de cinquante otages, parmi lesquels dix ecclésiastiques, se scellait tragiquement dans la rue Haxo. Les Communards, épris d'une fureur vengeresse, les condamnaient à la fusillade. Sur les lieux mêmes de leur martyre, les jésuites érigèrent, en 1894, une humble chapelle dédiée au Sacré-Cœur. Mais progressivement, ce quartier, autrefois paré de jardins et de prairies, se laissait avaler par l'urbanisation galopante. La chapelle originelle dut céder sa place à une église plus imposante, édifiée entre 1936 et 1938 par l'architecte Julien Barbier. La destinée de cet édifice demeura étroitement liée aux jésuites, qui en eurent la charge jusqu'en 1974. Dans la cour en arrière de l'église, un monument commémoratif se dresse, rendant hommage aux martyrs de 1871. Une porte de la cellule de la sinistre prison de la Roquette, jadis occupée par trois pères jésuites, est également préservée, tout comme un fragment de mur qui fut témoin des derniers instants des condamnés.

 

La fresque qui a vu le jour en l'an 2000, l'œuvre de Philippe Rebuffet, se dresse fièrement sur un pignon aveugle, émergent entre deux édifices disparates. Telle une tromperie visuelle astucieuse, elle tisse un hommage vibrant envers les valeureux soldats du feu de la caserne de Ménilmontant, se déployant majestueusement sur le mur qui les abrite.

L'artiste, épaulé par Peter Rodgers et les maîtres des Ateliers Saint-Jacques, nous présente une scène captivante : une intervention de pompiers avec la grande échelle, le sauvetage d'un chat perché sur un pont qui évoque irrésistiblement le romantisme du Pont des Soupirs de Venise.

Jeu subtil de profondeurs, illusions d'optique, et une touche d'inspiration naturaliste insufflent à cette œuvre un dynamisme unique. À ses pieds, une antique voiture à cheval de pompiers, telle une relique du temps jadis, rappelle le passé glorieux et la pérennité de la caserne de Ménilmontant.

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Dans la rue Saint-Fargeau, nous longeons le jardin Paule Minck, voisinant avec l'immensité paisible de la plaine du réservoir de Ménilmontant.

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Dans un jardin partagé, une petite fresque évoque un passage de la lettre de Manouchian à son épouse.

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En février et mars de l'an 2012, l'artiste Popof se lança dans la création d'une vaste fresque, une œuvre d'art flamboyante élevée en hommage au légendaire Groupe Manouchian, près du paisible passage du Surmelin. Son père, Alexandr Ginzburg, une plume dissidente de l'U.R.S.S., incarna toute une vie durant le combat pour les libertés culturelles au milieu des tourments du régime totalitaire. Il eut à endurer des années de goulag, un exil forcé, mais persévéra dans sa mission journalistique une fois en France. 

Et c'est ici, en ce quartier de Saint-Fargeau, que ce périple aux côtés de Marie-Claire trouve son dénouement. Elle choisit de partager avec nous la dernière lettre que Manouchian avait rédigée à sa bien-aimée le 21 février 1944, de la sombre prison de Fresnes, à quelques heures seulement de son exécution au fort du Mont Valérien. 

« Sortez les mouchoirs », avertit-elle, tandis que le passé et le présent fusionnent dans une étreinte poignante.

"Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée, Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, je n’y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais. Que puis-je t’écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps. Je m’étais engagé dans l’Armée de la Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous... J’ai un regret profond de ne t’avoir pas rendue heureuse, j’aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d’avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu’un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi à ta sœur et à mes neveux. Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l’armée française de la libération. Avec l’aide des amis qui voudront bien m’honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d’être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l’heure avec le courage et la sérénité d’un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n’ai fait de mal à personne et si je l’ai fait, je l’ai fait sans haine. Aujourd’hui, il y a du soleil. C’est en regardant le soleil et la belle nature que j’ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. Je t’embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur. Adieu. Ton ami, ton camarade, ton mari. Manouchian Michel P.S. J’ai quinze mille francs dans la valise de la rue de Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armène."

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